4 Octobre 2011
Suite du billet Le directeur d'école primaire et la communication.
Vendredi soir, 18h15, nous voilà donc dans la salle de classe.
Chacun sagement assis à une place, les genoux sous le menton. C'est une école comme on en voit souvent
à Paris ; des bâtiments du début du XXè siècle, des bureaux en bois, le bon
vieux tableau à la craie. Si nous n'avions pas les smartphones dans les poches, nous pourrions nous croire revenus en plein milieu des années 50.
En cette rentrée, une chose me frappe : un seul père dans la classe. Seules les mères sont là.
Les années précédentes, c'était beaucoup plus mélangé. Un signal de plus sur le gros retour en arrière
ambiant ? Les bureaux sont à moitié occupés, nous sommes une petite quinzaine de parents pour une classe
de 28 élèves. Classique.
Je suis installée à la place de Mini Miss, retoquée au fond de la classe quelques jours après la rentrée, alors qu'elle avait choisi une place au premier rang. C'est le lot classique des élèves timides,
en début d'année, collé(e)s au fond avec les terribles, pour jouer le rôle d'élément
modérateur. Manifestement, l'institutrice ne s'est pas aperçue que Mini Miss porte des lunettes
triple foyers qui ne corrigent que très faiblement sa vue. Elle ne voit pas bien à plus de 80 cm.
En mère organisée et malheureusement habituée, je note ce fait à régler en priorité. J'attends toujours la
réunion de rentrée pour cerner la personnalité de l'institutrice avant toute intervention. L'institutrice
porte des lunettes. J'en déduis qu'elle a une connaissance de ce que peuvent être les problèmes de vue et
que, donc, elle privilégie sa tranquillité par rapport au confort de l'enfant. Voyons voir si ce qui suit
confirme cette première analyse. Les années précédentes, nous sommes plutôt bien tombés, mais, là, j'ai un gros doute.
- Bon ben voilà, on va commencer. Alors il y a un cahier avec un protège-cahier rouge qui, comme vous avez
vu, est utilisé pour les devoirs.
Première mauvaise impression. L'institutrice commence par un détail. Elle ne se présente
pas, ne présente pas sa comparse (l'institutrice du vendredi vu qu'elle n'est pas à plein temps), ne présente
aucun projet pédagogique. Admettons.
Elle continue et débite d'une voix monocorde une suite de détails pendant 15 mn. Nous
échangeons, au même moment, un regard désespéré avec ma voisine de table, la mère d'une copine de Mini
Miss.
L'institutrice annone sa présentation avec tellement peu d'enthousiasme, qu'il est difficile de se concentrer au-delà de la dixième phrase ! Mais comment les élèves
peuvent-ils bien faire pour tenir une journée ???
On apprend en vrac qu'ils sont 28 élèves, dont "beaucoup d'élèves en grande difficulté" (Ah bon ? Mais
c'était une classe d'un très bon niveau l'année dernière !), qu'elle en choisira 4 ou 5 pour
l'aide "obligatoire" (oui, ça on a compris qu'elle y va sans enthousiasme !) "parce qu'après, ça
fait trop".
Et les autres élèves en difficulté, alors ? Une mère inquiète pose la question. Sa fille est-elle
prise en soutien ? L'institutrice lui dit qu'elle n'a pas encore décidé. Je ne suis pas sûre qu'elle aie bien
identifié qui est l'enfant en question.
Puis, viens une question sur l'enseignement de l'anglais. Sujet délicat car les enfants sont
censés avoir étudié l'anglais en sortant du primaire mais il n'y a pas de prof d'anglais. Donc, les années
précédentes, une institutrice ayant de lointaines origines espagnoles a bien voulu leur enseigner quelques
bases de la langue de Cervantes. Quant à un éventuel enseignement de l'allemand, n'en parlons pas.
- Ah ben ça ! ILS veulent nous faire apprendre l'anglais, figurez-vous ! C'est pour ça qu'il n'y a
pas de prof !
Nous n'en saurons pas plus sur le ILS. Mais nous comprenons bien qu'il ne faudrait pas prendre
l'institutrice pour une truffe en l'obligeant à apprendre l'anglais !
Une mère calme le jeu en précisant que, de toute façon, c'est quand même mieux d'avoir un enseignant
de langue maternelle anglaise (on peut toujours rêver !).
La comparse de l'institutrice, silencieuse jusque là, intervient timidement. Il faut dire qu'elle est très jeune à
côté de sa collègue à l'âge indéfini que nous avons déjà surnommée, entre nous, "2 de tension". (Oui, JE
SAIS, ça ne se fait pas ; nous sommes définitivement de mauvaises mères).
- Ben, si besoin, moi, je pourrai leur enseigner l'anglais.
Et d'expliquer qu'elle a les connaissances et la pratique pour ce faire. Elle a l'air beaucoup plus impliquée et
enthousiaste. Du coup elle embraye en expliquant qu'elle va enseigner principalement le français aux
élèves. Tout se gâte quand elle explique que les élèves devront bien penser à prendre leur "quatreS affaires" le vendredi.
Mais quel français va-t-elle bien pouvoir leur enseigner en parlant de quatreZaffaires ?? Quant
à
l'anglais, du coup, on a du coup un sérieux doute...
Suit une question timide d'une mère :
- Et l'informatique, il vont faire de l'informatique ?
La réponse de l'institutrice principale fuse sous la forme d'un cri du coeur :
- Ah ben non alors ! Je suis nulle en informatique !
Mais alors, NULLE !
La mère insiste.
- Mais alors ils n'auront pas informatique ?
- Ben non, hein.
Qui cela va-t-il pénaliser ? Les enfants qui ont un ou plusieurs ordinateurs à la maison et qui sont nés avec
une souris à la main ou ceux qui n'ont pas la chance d'avoir un ordinateur à la maison ?
Au vu de la tournure de la réunion, je ne prends même pas la peine de poser ma question fétiche sur l'approche pédagogique et visant à savoir si l'instituteur privilégie
la motivation (en soulignant les progrès et le bon travail) ou s'il
privilégie la méthode bâton (en pointant le fait que l'enfant est nul).
De toute façon, j'ai déjà la réponse sur les premiers retours de cahiers : les points d'exclamation des "Travaille
plus vite !!!!" en annotation rouge sur un devoir de mathématiques dont les résultats sont justes sont
assez clairs.
La réunion se termine assez vite et nous sortons en silence, pour certaines, assez démoralisées.
Tout a duré en tout et pour tout 1 heure (la réunion directeur + la réunion institutrices). Là où nous sortions
à 20h les autres années, nous voilà sorties à 19h, décontenancées.
Au moins, j'ai une réponse claire sur un fait que je ne comprenais pas : mais comment se faisait-il que
Mini Miss, habituellement si enthousiaste, soit brusquement si démotivée
quinze jours après la rentrée ?
Là, je sais que l'année va être très difficile car on touche au coeur du
ressort de la réussite scolaire des élèves : l'envie, l'intérêt et la
motivation.
Je suis devant un bel exemple de matraquage de la motivation par une équipe "pédagogique". Je précise
tout de même que c'est la première fois que je rencontre ce cas. Autre précision, je suis depuis longtemps
une fervante supportrice de l'école publique et des méthodes pédagogiques modernes. Comme je m'intéresse à la question, je connais la situation délétère de l'école publique depuis 5 ans. Mais là, franchement, nous tombons sur LES CARICATURES. Celles-là
même qui prêtent le flanc aux critiques. D'après mon expérience, elles sont minoritaires, mais elles existent et j'y suis aujourd'hui confrontée.
Alors, avant d'ouvrir une nouvelle rubrique dédiée aux
ressources pédagogiques parascolaires plus étoffée que l'actuelle rubrique J'éveille mon enfant (ben oui !), je pose une question : comment peut-on faire un métier avec
aussi peu de motivation et d'enthousisame ?
Vous avez une idée, vous ?
Mise à jour 2013 : retrouvez plus de ressources sur mon blog Rituels antistress
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Photos FlicKr