Autonomie féminine

Salariée discriminée : quelles solutions ?

Vous pensez être discriminée en raison de votre sexe ? Votre travail n’est pas valorisé comme celui de vos collègues de sexe opposé ? Vous souhaitez réagir et faire bouger les choses ? Nous vous donnons nos conseils pour faire face à une situation de discrimination au travail !

 

1) Qu’est-ce que la discrimination sexuelle ?

http://www.publicdomainpictures.net/pictures/30000/velka/woman-1347128856jFU.jpga) Définition

Cela fait 13 ans que vous travaillez à ce poste de chargée de communication, au fond ce n’est pas si mal, parfois un peu répétitif mais vous n’avez pas lieu de vous plaindre. Pourtant… il y a comme un détail qui vous dérange, ce collègue, John, arrivé il y a trois ans dans votre service et qui gère la communication des meilleurs projets. Bien sûr, il est sérieux, efficace, tout comme vous l’êtes en fait, pourtant aucun doute qu’il va récupérer ce poste de responsable que vous convoitez depuis si longtemps.

A ce stade, une question pertinente à se poser est « qu’est-ce que la discrimination sexuelle ? » Vous allez me dire : « c’est quand une personne est traitée moins favorablement qu’une autre en raison de son sexe ! » Dans l’idée, vous avez raison, on pourrait en effet définir la discrimination comme le fait de distinguer et de traiter différemment quelqu’un ou un groupe de personnes, par rapport à un ensemble de personnes plus grand, et à partir de critères énumérés par la loi. On peut aussi l’aborder sous l’angle d’un traitement spécifique défavorable en raison du sexe, et entrainant une rupture dans l’égalité des droits et/ou des chances.

 

b) Et d’un point de vue juridique ?

Plus concrètement, la loi prévoit qu’aucune personne ne peut :

  • Etre écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ;
  • Etre sanctionnée ou licenciée ;
  • Ou encore, faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe.

La discrimination peut aussi s’appréhender sous la forme du harcèlement. Ainsi, au niveau de l’Union européenne (directive 2006/54 du 5 juillet 2006), il est affirmé que « le harcèlement et le harcèlement sexuel sont contraires au principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes et constituent une discrimination fondée sur le sexe aux fins de la présente directive ». En droit français, le harcèlement sexuel est également considéré comme une forme de discrimination depuis une loi du 27 mai 2008, n°2008-496. Enfin, pour terminer ce tour d’horizon de ce qu’est la discrimination, citons une décision de la Cour de cassation (chambre sociale, 24 avril 2013) affirmant que « l'entrave dans le déroulement de la carrière du salarié et l'ambiance homophobe du lieu de travail sont de nature à laisser présumer une discrimination en raison de l'orientation sexuelle ».

Attention cependant, Une différence de traitement est tout à fait envisageable dès lors qu’elle répond à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et à la condition que ces différences de traitement poursuivent un objectif légitime et soient proportionnées vis-à-vis de ce dernier !

 

2) Que faire si vous vous estimez victime de discrimination en raison de votre sexe ?

Maintenant que vous cernez un peu mieux ce qu’est la discrimination, peut-être cela vous a conforté dans votre idée que vous en êtes victime. Ce que vous souhaitez savoir, c’est comment changer les choses, comment faire cesser la discrimination, voire, comment obtenir réparation de votre préjudice ?! Il est sans doute plus sage d’observer deux étapes à ce niveau, bien que vous puissiez directement passer à la seconde.

a) Une solution amiable

Il y a des faits qui parlent d’eux-mêmes, il parait évident que vous faite l’objet d’un traitement moins favorable que vos collègues masculins à même niveau de compétence et même poste. Néanmoins, parce que vous n’êtes pas certaine que cette différence de traitement ne soit pas justifiée aux yeux de la loi et/ou parce que vous pensez que ce problème peut être réglé à l’amiable, vous choisissez dans un premier temps de prendre votre courage à deux mains et d’aller parler à votre supérieur hiérarchique ou à votre employeur. Mais que lui dire ? Inutile de tourner autour du pot, vous avez par exemple constaté que vos demandes de formation sont systématiquement rejetées alors que vos collègues masculins en bénéficient régulièrement. Ce qui implique qu’ils se voient confier des tâches plus importantes, cela se reflétant sur leur salaire.

Bref, soyez calme mais déterminée, énumérez les différents faits qui vous laissent penser que vous êtes discriminée et prenez le temps d’écouter les explications de votre supérieur. Il doit être en mesure de vous expliquer en quoi cette différence de traitement est essentielle et déterminante pour l’entreprise, en quoi elle poursuit un objectif légitime et en quoi elle y est proportionnée. Il y a alors trois principales issues.

Votre supérieur ou employeur peut :

  • Reconnaitre que vous avez en effet été traitée injustement et vous affirmer qu’il sera remédié à cette situation. Le problème est alors présumé réglé, vous ne devrez néanmoins pas hésiter à vous manifester à nouveau si rien, ou presque rien n’est fait ;
  • Reconnaitre qu’il existe une différence de traitement mais être en mesure de la justifier selon les critères énumérés précédemment. C’est alors à vous de juger si ces explications sont raisonnables ou si elles sont ridicules ;
  • Nier toute différence de traitement et vous affirmer que vous vous faites des idées, sans chercher à défendre son point de vue.

Si finalement rien n’est fait, si les explications sont ridicules ou que vous n’en obtenez pas du tout, il y aura à nouveau deux options :

  • Vous avez abordé le sujet avec votre supérieur, vous devez alors contacter le supérieur de ce dernier, s’il existe, ou directement votre employeur afin d’obtenir qu’il soit remédié à la situation. Ce dernier aura l’obligation de rappeler à l’ordre votre supérieur direct, responsable de votre discrimination, notamment en prenant des sanctions disciplinaires à son encontre si cela s’avère nécessaire ;
  • Vous avez directement référé du problème à votre employeur et n’avez donc pas de plus haut responsable hiérarchique à qui vous adressez. Aucun effort n’est fait, c’est l’impasse, vous vous en remettez alors à la justice.

 

b) Une solution contentieuse

Les faits sont là, vous êtes victime de discrimination, vous en avez déjà informé votre employeur, cela n’a aucunement réglé le problème, sans doute est-il de mauvaise foi… Néanmoins vous savez que la loi est de votre côté et vous souhaitez obtenir justice. En fait, à ce niveau, vous avez deux objectifs : faire cesser la discrimination et obtenir réparation du préjudice que vous avez déjà subi.

Vous devez savoir qu’un employeur qui réalise une discrimination est passible à la fois de sanctions civiles et pénales :

  • Au niveau civil, le ou les actes discriminatoires qui auront été pris à votre encontre seront annulés, excepté en matière d’embauche où la décision de ne pas vous recruter ne pourra être remise en cause. Un employeur ne peut être contraint à embaucher un candidat. Autre sanction civile, votre employeur sera tenu de vous verser des dommages et intérêts en réparation de votre préjudice. Lequel peut très bien consister en la perte d’une chance d’obtenir un poste ou un avantage ;
  • Au niveau pénal, un employeur qui se rendrait coupable de discrimination pourra se voir condamner à jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et jusqu’à 45.000 euros d’amende en cas de discrimination liée au refus de fourniture d’un bien ou service, à l’entrave de l’exercice normal de l’activité d’un salarié, au refus d’embauche, à la sanction ou au licenciement d’un salarié.

Mais comment demander justice ? Sachez que deux types de recours vous sont ouverts :

  • Il est possible de porter plainte au pénal en s’adressant à la police, à la gendarmerie, voir directement au Procureur de la République. L’affaire sera alors portée devant une juridiction pénale et vous vous constituerez alors partie civile. C’est-à-dire que vous demanderez au juge pénal une indemnisation pour votre préjudice.
  • Il est aussi possible d’exercer un recours civil devant le Conseil des prud’hommes afin d’obtenir l’annulation de la mesure discriminatoire et d’obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Votre principal problème va néanmoins être celui de la preuve. Comment convaincre le juge que vous êtes bel et bien victime de discrimination sexuelle ? Vous devrez en effet apporter une preuve de chaque fait que vous avancez. Cette preuve pourra se faire par tout moyen (attestations, mails, documents etc…). Pour davantage d’information ou des exemples, consultez cette fiche sur la preuve du harcèlement moral. Si vous disposez de suffisamment d’élément pour laisser penser au juge qu’une discrimination a effectivement été commise, mais que vous n’apportez cependant pas de preuves concrète, une mesure d’instruction pourra toutefois être ordonnée. C’est-à-dire que le juge pourra demander une enquête afin de recueillir les preuves qui lui manquent. Cependant, le recruteur ou employeur qui serait accusé d’avoir opéré une discrimination pourra renverser les preuves déposées contre lui en démontrant au juge que la décision qui lui est reprochée était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

Conclusion :

Vous pensez être victime de discrimination sexuelle, vous vous retrouvez dans les critères énumérés par la loi, vous décidez alors de réagir. Il est conseillé dans un premier temps d’en discuter avec sa hiérarchie afin de résoudre le problème à l’amiable ou de constater que toute différence de traitement qu’il y ait, cette dernière est nécessaire et justifiée par des éléments objectifs. Si néanmoins ce n’est pas le cas, vous pourrez exercer un recours en justice, mais attention, vous devrez être en mesure d’apporter des preuves à l’appui de ce que vous affirmez.

 

Article rédigé par :

Timothé Bureau est chef de projet pour le site www.coindusalarie.fr, groupe Legal’Easy.

Diplômé en droit des affaires de l’université d’Angers, Timothé Bureau est spécialisé en droit social et rédige quotidiennement des articles pour aider les salariés à connaitre leurs droits et à les comprendre.

 

 

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